Ne plus fumer…

Ne plus fumer

Plus de quarante ans sont passés depuis ce jour là. J'étais en direction de l'épicerie du quartier afin de me procurer le journal quotidien, lorsque Vivi  me demande de lui acquérir des cigarettes.

—  Tu veux des cigarettes ? Je t'ai acheté un paquet hier après-midi. Tu n'en as plus ?

 Ma réflexion ne plu pas au frangin d'après  son regard lançant des étincelles. Si j'avais un doute à ce sujet, j'eus la réponse  dix minutes plus tard.  

Vivi s'assit en face de moi après mon retour, , ouvrit très lentement son paquet de sèches, en sortit une, l'alluma en grattant une allumette d'une manière vue au cinéma dans les films western, une façon d très particulière de le faire. Il tira une bouffée en envoyant des rondelles de fumée se promener en l'air. Genre grand fumeur.

A son attitude j'ai compris qu'il avait son mot à dire. Mais un mot inoubliable, un clou à planter sur un mur. Cloué une fois pour toute.   

 « Et ce mot fut dit  ».Il fut écrit d'abord sur le paquet de cigarettes : « le 19 septembre 1980, 19:00». En me regardant droit dans les yeux le petit frère m'a dit :

—   Ceci est ma dernière cigarette. La date de mon arrêt est écrite.

—   Ma remarque de tout à l'heure t'a vexé ? A  la bonheur Vivi. Ce sera merveilleux pour ta santé.

—   Tu me parais sceptique, mais ma décision est définitive, irréversible, finale,  irrévocable….

Je suis resté bouche bée de stupeur. Vivi a cessé  de fumer au moins six fois. Mais on dirait que cette fois c'est la bonne. A cause d'un mot dit.

A ce moment ma fillette, Limore élève du cours enfantin depuis peu, vint  vers moi avec une demande pour le moins inattendue :  

—   Papa, fais moi un plaisir immense : arrête de fumer ces cigarettes immondes.

—   J'y réfléchirai mon ange.

—   Merci papa.

Vivi dans son coin triomphait.

—   Vivi tu enseignes bien des choses aux enfants…

—   Moi ? je ne suis pas dans le corps enseignant répliqua le petit malin.

Toujours est-il que quelques plus tard Limore s'est plainte à sa maman que papa n'a pas tenu sa promesse.

—   Papa a promis de réfléchir, répondit la  maman une très sage réponse.

Bon le lendemain en revenant du travail, je m'assois dans le coin de la salle à manger près de la fenêtre. En terminant le repas, je pousse ma chaise dans un geste virant au demi-tour, je sors mon paquet de cigarettes de la poche gauche de ma chemise… une habitude ancrée dans mes habitudes.

Ma toute petite me suis des yeux et au moment où ma chaise tourne, la menotte de Limore glisse dans ma poche  en retire le paquet.

—   Papa dis-moi la date d'aujourd'hui ….

—   Nous somme le 25 ma chérie.

Et d'une écriture enfantine,  elle écrit le chiffre 25 sur toute la grandeur du paquet, comme seuls les enfants savent écrire.

—   Qu'as-tu écris ma chérie ?

—   J'ai écrit la date où tu as arrêté de fumer papa.

Elle a eu raison. J'ai arrêté de fumer le 25 septembre  1980;

Et d'un geste habile elle a fermé le paquet de cigarette à l'aide d'un ruban adhésif, comme elle a vu son oncle Vivi le faire six jours avant.    Plus possible d'ouvrir le paquet après ça.  

Qui a cessé de fumer avant nous ?

Mon oncle Meyer était un gros fumeur. Il arrêtait de fumer la veille du Chabbat pour reprendre son habitude samedi soir à la sortie du Chabbat.

 Il fallait le voir vendredi après-midi fumer cigarette après cigarette, en regardant le coucher du soleil jusqu'au dernier rayon. Le samedi soir il était dehors scrutant le ciel à la recherche des trois étoiles libératrices.

Mon oncle Meyer a cessé de fumer pour raison de santé.

Maurice mon beau-frère a arrêté de fumer pour la même raison.

Mon oncle Rahmine un autre fumeur ne fumant  pas le Chabbat, trouvait le goût de la cigarette, amer le samedi soir après l'apparition des trois étoiles.

A la longue il trouvait le goût des cigarettes abominable, exécrable, affreux, détestable, atroce,  hideux, épouvantable enfin catastrophique à la sortie du Chabbat.

Nous lui avons conseillé de repousser à dimanche soir le rtour à la cigarette, à lundi soir à mardi soir mais comme l'œil de Caïn le goût amer, abominable, exécrable, affreux, détestable, atroce,  hideux, épouvantable,  catastrophique était toujours la.

Mon oncle Rahmine a sagement cessé de fumer.

Que leurs âmes reposent en paix, amen.

Mon père adoré Clément-Rahmine aurait dû arrêter de fumer pour raison de santé, malade qu'il était de l'asthme. Le médecin lui a prescrit des cigarettes médicinales, ces remèdes à boucaner, au goût douteux et à l'odeur repoussante.

Papa envoyait des enfants lui acheter des vraies cigarettes qu'il cachait un peu partout (dans la radio, au dessus du chauffe-eau, en dessous du matelas). Papa allumait deux cigarettes en même temps, la vraie et la médicinale.   Maman n'y voyait que du feu.

Gisèle mon épouse adorait papa. Elle ne tombait pas dans le panneau, elle l'empêchait de s'empoisonner avec ces cigarettes malfaisantes. Elle les trouvait et les confisquait.  

Papa ayant aspiré trop d'oxyde de plomb dans son travail de plombier est décédé très jeune, âgé de 53 ans. Comme nous le regrettons. Il nous manque tant.

Ma belle-sœur Dina n'a jamais cessé de fumer. Il y a eu la grève dans le régie de tabac Dubek. Les employés ont arrêté la fabrication des cigarettes un bon moment au désagrément  des fumeurs.

 Ma belle-sœur Dina a trouvé une petite consolation dans les deux paquets de cigarettes entourés d'un ruban adhésif et posés  dans un coin de notre buffet.  

Dina est décédé hélas de cette mauvaise maladie, le crabe étouffant les poumons.

Pour arrêter de fumer, c'est simple, il suffit de vouloir.