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Qu'il fait bon dans mon moulin
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14 novembre 2020

Simon et Serge

Simon et Serge

Simon et Serge

Serge est notre ami de toujours, il était surtout l'ami de notre regretté frère Simon. Les deux « S » étaient inséparables : ils se rendaient au Lycée, ils revenaient, ils mangeaient ils se promenaient en bicyclette et contaient fleurette ensemble. 

On raconte qu'aimant la confiserie halva chamïa, cette friandise  à base de  thina (extrait sésames) ils en acheté un kilo pour la manger ensemble … C'était si bon, que repus, et ayant tant abusé de ce met doux qu'ils n'ont plus voulu en goûter, ils ont eu un écœurement, sans doute.

Le loisir préféré des deux  « S » était de faire le tour de la ville en vélo, le dimanche : aller de Moulinville vers le Nord, bifurquer vers le Chemin des Brigands, prendre la Route de Mahdia vers l'Ancienne Gendarmerie, continuer vers la Ville, direction le Port. De là, vers le Marché Central, l'Avenue de Picville et retourner à Moulinville  par le chemin revenant de Bab EJebli  en traversant le Pont.  Une  grande tournée,   nommée le  « tour de l'œuf ».

La légende raconte  qu'un jour, voulant presser un peu plus sur les pédales de leurs bicyclettes, ils ont dépassé sans s'en apercevoir la vitesse limite de 60 km/h.  Arrêtés par un policeman consciencieux, ils se sont excusés poliment.

— Samahna si el bolice (Pardonnez-nous Monsieur l'agent de police). Nous avons dépassé la vitesse permise. Cela ne se reproduira plus.

Mais l'homme représentant la loi était inébranlable :

— Vos papiers s'il vous plait.

— Nous sommes des Lycéens, nous n'avons pas encore de papiers d'identité, répondit  Simon avec assurance.

— Pas encore souligna Serge.

— Vous avez dépassé la vitesse permise par le code de la route. Si vous ne le  saviez pas encore, je vous l'apprends jeunes gens. Votre conduite trop rapide pourrait être sujette à un malencontreux accident. Que je ne vous rattrape plus dans une même situation.

Les deux essayent de se trouver une excuse, mais l'agent de police était un vieux de la vielle, il n'est pas tombé de la dernière pluie, les  explications des deux amis ne tiennent pas debout.  

— Ecoutez mes petits malins, j'ai été jeune avant vous, ne me racontez pas d'histoires. Je vais vous inviter à boire un thé à la menthe et vous me direz tout simplement d'où vous vient cette vélocité dans les jambes ?

— Pardonnez-nous dit Serge, moi je prends tous les jours de la trigonelle, hilbé en arabe.

— Moi je prends de l'huile de foie de morue répliqua Simon. Ça fortifie. 

— Merci. Bonne journée et faites attention en route. Un autre gendarme ne sera pas aussi cool que moi.

Serge et Simon sont des garçons prudents, ils ne feront jamais la même bêtise deux fois.

Les bons moments n'étant pas éternels, les deux amis se séparent un jour en se promettant de tout faire pour se retrouver. Simon met les voiles vers Israël. Peu de temps après Serge s'envole pour La France, le service militaire et les années passent rapidement. Les années 50, 60 et 70 se succèdent très vite.

Simon nous quitte en 1978, le lendemain de Rosh Hashana. Serge est ébranlé.  

Le rêve

1980, 1990, 2000 s'envolent. Un  beau jour d'automne  de l'année 2002,  je me suis attablé avec mon épouse  Gisèle. Elle termine son petit déjeuner.  Nous parlons de son travail, de d'un tas de  choses, une discussion comme une autre commune à tous les couples et puis le bisou nous sépare pour huit heures d’affilée. 

A huit heures, Nathan (Vivi) se réveille. Je l’attends en lisant le journal : la politique, des scandales, des crimes, des vols, des abus de confiance et à la pudeur, des exploits de champions et des divorces de vedettes de cinéma. Je laisse tomber ces bêtises au profit du café.

Huit heures trente, il était temps. Je prépare deux petits cafés espresso bien tassés, aromatiques, d’une douceur modérée  avec une belle mousse,  couleur de caramel confondu...

Je goûte à la boisson et pousse un petit cri de joie. A ma grande surprise, Vivi refuse de  prendre le café.
— Non ! Me dit-t-il. Je ne veux pas de café ce matin, j’ai mal dormi.

— Que se passe-t-il ?
Vivi grignote une brioche.
— Depuis deux jours un rêve trottine dans ma tête : notre frère Simon (qui a quitté ce monde depuis 1978, comme nous avons dit) me demande de chercher son ami Serge Bartolo. Je sais qu’ils étaient très attachés les deux, ils ne quittaient pratiquement pas

A l'époque de cette discussion nous étions nouveaux venus dans le monde de  la Télécommunication. Vivi avait des connaissances, mais moi à part cliquer un peu sur le clavier de l'ordinateur, je n'avais presque aucune notion. 
— Demandons l’aide de Viviane notre frangine, je lui propose.
Il ne faut pas plus de cinq minutes à notre sœur Viviane pour découvrir les coordonnées de Serge.
Ce dernier est étonné et complètement ému en recevant notre appel. Ensuite nous lui expliquons la raison de coup de fil inattendu. Quelques jours plus tard nous recevons de lui une lettre dans laquelle il évoque sa surprise du fait que son meilleur ami a troublé le sommeil de son frère Vivi, afin de demander de ses nouvelles.

Serge était retourné vivre à Sfax après sa retraite, le climat étant plus clément et le loyer moins cher. Serge nous a confié qu'il venait de terminer une longue convalescence après une fracture et une opération dans le col du fémur. Et cela était sans aucun doute le sujet du tracas de Simon envers la santé de son ami Serge.

Il écrit : « Les morts ont-ils le pouvoir de receler un problème chez un être cher et d’exiger qu’on le retrouve ? Si vous m’avez retrouvé m’étonne peu, par rapport à l’intervention de Simon. Je me rappelle de mon ami si bien, qu’il m’arrive d’aller dans votre quartier et parvenu à votre porte, j’ai impression qu’il en ressortira bientôt ».

En fait, je pense que les morts ont le pouvoir de receler un problème chez un être cher et d’exiger qu’on le retrouve. Le rêve de Vivi le prouve.

Quelques années sont passées depuis. Quand je suis devenu membre d'un site groupant des ressortissants de Sfax et après avoir lu les noms des participants, celui de Serge est revenu à ma mémoire  avec le rêve extraordinaire de mon frère.
En visitant Sfax en mai 2009, j'ai cherché Serge. J'ai cliqué son numéro plusieurs fois au cours de la journée, mais je suis arrivé au répondeur. Il n'était pas présent lors de mon appel téléphonique. Il n'était sûrement pas chez lui. C'est dommage, j'aurais voulu le voir et lui dire que nous attendons sa visite.  

Serge a épousé Nassiba, c'est l'histoire d'un grand amour, Nassiba  a toujours été là chaque fois que j'ai eu besoin d'une aide quelconque, nous avions un ami, nous en avons deux.

Serge a pris contact avec nous et voici que le nouveau couple est venu nous rendre visite chez nous à Béer Shéva. Nous  avons reçu Nassiba et Serge, ils ont connu nôtre ville, la ville d'Abraham : nommée « Béer Shéva, le puits du Sermon » en souvenir du pacte fait entre Abraham et Avimélekh . A Béer Shéva nos amis ont vu que les musulmans circulent librement dans la ville, conduisent des voitures, font des achats contrairement à ce qu'ont leur a raconté.

Nos amis ont visité le pays. Je les ai accompagné à Jérusalem, Nassiba a pu aller au Mont du temple prier à la Mosquée El Aqusa. Nous avons visité une autre mosquée dans un village, Mas'ar à Emek Yezréël.  Ainsi ils ont été convaincus que la liberté de culte existe et est respectée.

 Serge s'est accroupi auprès de la tombe de son frère d'âme Simon et il a pleuré tout son saoul. Il a déposé une pierre sur le marbre,  une rose de sel du Chott El Djerid.

Il nous a laissé l'image d'un homme calme, cherchant la sérénité. Dans chaque site visité, il a admiré le calme. Au Mont Tabor il  s'est assis et sa seule demande a été de rester auprès de la basilique en haut du Mont, vu la sérénité qui en émane. De même au kibboutz Gazit, il s'est tellement plu, que j'avais de la peine de le sortir de ce paysage de paradis.

Nassiba a aimé nos filles Limor, Mikhal, Riki, Ofra,  Osnath et Shir. Elle a aimé les enfants et elle n'a pas cessé de demander de leurs nouvelles.  

Simon

Hélas, Serge nous a quitté lui aussi dernièrement. Un arrêt  du cœur a mis fin trop tôt à cette vie. Il a été enseveli  dans le cimetière de la famille Triki. Il a laissé une femme éplorée et des amis ahuris. Deux anges l'ont accompagné dans son vol vers le septième ciel. Lui et Simon seront de nouveau réunis. Que son âme repose en paix. Serge a laissé un grand vide, nous ne l'oublierons jamais.   

 

 

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