Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Qu'il fait bon dans mon moulin
Qu'il fait bon dans mon moulin
Publicité
Archives
25 juillet 2021

Voyage en Tunisie : retour à Sfax

  • Sfax

  • Retour à Sfax

    Dans mon poème "Sfax m'attend", j'avais écris  :  

    Sfax quittée

    A dix sept ans

    M’attend si longtemps

    Fidèle fiancée

    Est- elle aussi belle

    A-t-elle changé ?

    Aura-t-elle

    Un pincement au cœur

    Une larme à l’œil en me voyant

    Et moi mon émotion

    Sera-t-elle aussi profonde

    Que celle que je ressens

    En ce moment ?

     remparts

     

     Cette  nostalgie manifestée  dans ces quelques vers fait suite au fait qu'après plus de cinquante ans, le retour en arrière devient abrupt et le cœur se méprend entre un voyage dans les cieux et  une traversée dans le tunnel des temps.

    J'ai ressenti la difficulté de faire ce saut, mon voyage ayant été reporté plusieurs fois, le plus souvent  pour des raisons objectives mais aussi à cause d'une hésitation ou d'une incertitude. Mon appréhension grandit quand mon frère et mon épouse n'ont pu m'accompagner, le premier pour des raisons de santé et la seconde pour me remplacer auprès de lui, durant mon absence.  Mon manque d'entrain a contraint ma compagne Gisèle,  à m'inciter  à commencer les démarches en vu de ce voyage-pèlerinage dans ma ville natale. Ma fille Osnath s'est porté volontaire à m'escorter et ainsi débutèrent les préparatifs de ce retour à Sfax.

     Nous voilà en Tunisie. Mon ami Moncef et son épouse Afifa se déplacent de leur habitation à Monastir jusqu'au Port Kantouï afin de nous conduire à Sfax, à bord de leur voiture. Cette hospitalité tunisienne est inspirée par le modèle dicté par notre ancêtre commun Abraham,  depuis des millénaires. Mes amis font ce geste avec une grande noblesse de cœur.

    Les oliveraies du Sahel remplissent le paysage, détrônant les vignobles  du Cap Bon. Leur vue excite mon regard, mon  cœur battant la chamade. Je cherche des paysages connus, des villages naguère traversés. Mes souvenirs et le trajet présent ne coïncident pas, sans doute à cause de mes déplacements en train, antérieurement.

    Mohamed Aloulou et sa charmante épouse nous reçoivent dans leur propriété Route de Téniour. Ils nous mettent à l'aise de suite avec une grâce majestueuse.  Un bon café est servi avec des petits fours. Nos hôtes souriant tout le long de notre séjour, nous écoutent avec intérêt. Ensuite Mohamed nous fait la surprise de contacter notre famille Gisèle et Nathan, que nous voyons sur le petit écran de l'ordinateur. Notre émotion est grande. Nous nous quittons et je confie à Mohamed le disque de photos prises jusqu'à notre entrée à Sfax et recopiées de notre carte  numérique. Pendant que nous nous séparons pour une heure, Mohamed envoie des photos à notre famille à Beersheba, ainsi nos  proches ont pu voir notre parcours, durant notre séjour à Sfax.

  • En revenant à ma ville natale,  je n'ai pas retrouvé mon enfance ni mon adolescence, mais Sfax telle qu'elle est en ce moment, différente de celle que j'ai connue. Ce qui m'a frappé c'est la grande accolade que fait la capitale du Sud tunisien à sa banlieue, s'amplifiant, étendant ses bras afin de sentir autour d'elle toutes les agglomérations de la périphérie.

    Donc Sakiet Ez Zit, Sakiet Eddayer, El Aïn, Gremda, Thyna et d'autres au Nord et au Nord-Ouest se trouvent rattachées à la Grande Ville. Mahrès au Sud aussi ? Sans doute.  Sfax avec ses 50.000 habitants à l'époque est plus dense aujourd'hui et en compte 500.000 avec  énormément de voitures en plus.

     Sfax

     

    Je n'ai pas retrouvé les petites maisons  éparpillées autour de la ville, ni les petites fermes, ni les jolies villas à l'entrée Nord, ni les cités des cheminots à Moulinville.

     Je suis bouleversé en retrouvant l'immeuble Kria. Je serre ma fille dans mes bras. Mes amis Moncef et Afifa semblent aussi émus que moi. 53 ans sont passés si vite.

    Je fais le tour du quartier qui m'a vu grandir. Osnath me suit avec sa numérique et me prend en vidéo. Mon émotion rend mes gestes gauches. Ma maison a changé. Elle a été démolie et reconstruite. Les travaux sont en cours. La porte est verrouillée à l'aide d'une chaîne bouclée par un cadenas. Je pousse un battant, il bouge de dix centimètres, retenu par les anneaux qui le fixent.

    Ce que je vois est une nouvelle demeure, pas la mienne, celle que mon arrière grand-père Méïr a bâti. Je ne vois plus ma chambre dans le patio, ni la cuisine, ni le puits, je ne reconnais pas la cour jadis inondée de soleil.

    Des larmes mouillent  mon visage et elles ss confondent  avec les gouttes de pluie qui commence à tomber. Je suis accueilli par le Ciel qui paraît être aussi mélancolique que moi. 

     J'entre dans la ruelle Campési. L'ex-maison Chelly, propriété de la famille Bouraoui, a vu ses portes et fenêtres obstruées. Je tape sur le mur blanchi à la chaux et je dis à mes compagnons : "Ici, je voyais Hédi Bouraoui écrire pendant des heures". La maison Ankri est à coté. Je la désigne. Un passant nous rencontre et nous dit que son père a acheté cette demeure en 1952.

    Je reconnais le fils du policier du quartier. Nous parlons de Jojo Ankri, de Gaby, de mes proches la famille Brakha, de mes cousins Louzon et Allouche, des Taktouk, des Campési, des Cérato, et des Poirier. Les murs ont changé, les noms restent présents malgré le temps passé.

    La maison où a grandi Hédi Bouraoui et l'épicerie de son père paix à son âme, se sont transformées en banque. Je comprends à présent la raison pour laquelle le mur arrière a vu ses fenêtres et porte emmurées. L'école primaire est devenue la Grande Ecole des Beaux Arts.   

    Le café Gambarana est bien délabré, le bloc Kria a besoin d'une remonte, quant à la chaussée elle ne peut supporter tout ce mouvement, les piétons voudraient avoir un passage clouté. Les fossés au bord de la route ont disparu, les petites maisons basses avec jardinet ont laissé leur place à des immeubles. Reste le magasin du cycliste Melouli et l'échoppe du faiseur  de beignets, mais les deux sont fermés. Je ne trouve plus la Synagogue du jardin de Chouchane. La boulangerie y est,  mais close.

      L'épicerie de Chabouni a changé de fonctions, de même que les petits magasins à côté. Tout me paraît plus petit. La maison de Nessim Cohen  a dû changer de propriétaire et n'est plus grande ouverte. Dans la rue Rendu tout a changé, le jardin du même nom, n'existe plus, ni la villa Chemouny. Excepté l'habitation des Chelly Max et Théo, rien n'est plus comme avant. Même le magasin du meunier a perdu le poteau électrique juxtaposé qui lui tenait lieu de chaouch.

    En route vers la ville, je constate que les bâtisseurs entreprenants ont vite fait de conquérir les côtés du chemin que j'ai emprunté si souvent. Seule l'Ancienne Gendarmerie garde son ancienne allure, style village. J'éprouve un immense plaisir en apercevant les remparts de La Médina. A leurs pieds se trouvaient naguère des courts de tennis. Les jeunes filles sexy qui maniaient leurs raquettes, attirantes00 dans leurs mini-jupes blanches sont des grand-mères à présent.

    Deux gros cubes construits devant la gare représentent la nouvelle poste et le tribunal. Ce dernier a changé d'apparence et s'est élargi. Leur vue me cause un malaise,  autant que les immeubles que j'ai vus à Moulinville. J'aurais voulu retrouver ma ville aussi coquette et pimpante qu'autrefois.

      Je me calme en arrivant au centre Ville, Bab El-Bhar qui est celui que j'ai souvent vu. Enfin à peu près, ne serait-ce  le nouveau bâtiment construit sur le Monoprix qui me laisse perplexe quant au goût esthétique de l'architecte qui l'a conçu. Je me délecte en me penchant vers le Petit Chenal, en entrant pour la première fois dans la pépinière. A ma communion on ne m'a pas laissé y pénétrer, le gardien m'ayant montré un panneau : "Interdit aux hommes de quinze à soixante ans"! Je n'avais que douze ans et demi, mais étant haut de taille, le surveillant s'est mépris et m'a pris pour un jeune homme.

    Je traverse les rues des Belges, Emile Loubet, je retrouve la Synagogue Edmond Azria, l'Hôtel des Oliviers, la gargote de Phraïm, Jacob Delafon, et la minuscule librairie de Blanche, ici j'ai acquis   mes premiers romans.

    Je suis bien reçu au Lycée des Garçons, je rentre saluer le directeur, politesse oblige et je suis escorté dans les salles de classe. Je prends la parole et je fais l'éloge des études en me tournant vers les élèves. Je félicite la secrétaire, élégante dans son tailleur sobre. Toutes les secrétaires de l'Etablissement ont toujours été bien habillées.

    Le Docteur Mohamed  Aloulou nous fait la tournée de La Médina que notre ami Hédi a rappelée dans son roman "Retour à Thyna".

    Bab Eddiwan, Bab Ejebli, La Casbah, Borj Ennar qui a été témoin de la mort de Kateb dans le roman cité. J'ai pensé à Zitouna qui a été violée entre les murailles de cette ville et la zitouna qui pousse autour dans les champs et donne aujourd'hui, comme dans le temps, ses fruits bénéfiques.  J'ai  tant de fois traversé ces ruelles et dédales. Je vois l'ancien dispensaire du Dr Meunier, la clinique du docteur Jortner, le magasin ayant appartenu à Camus Bouhnik, l'oncle de mon père.

     La pâtisserie et ses régals est encore là. Nous traversons les souks : Bela'j, Chaker, ceux des étoffes, des bijoutiers, La Romana, la rue des forgerons, celle des savetiers.  Aloulou mène cette excursion de main de maître. Une leçon d'histoire et l'histoire des habitants, des commerçants, des notaires, des hommes ayant laissé leur impression entre les remparts. Aloulou est connu et considéré dans l'enceinte et dans le Centre Ville.

      Le lendemain Aloulou nous fait visiter l'ancien emplacement de la plage Wériot, de l'école de natation et de la plage Cordina (La Poudrière). C'est le projet Taparura, la mer est repoussée afin d'aménager les côtes et de créer une plage propre et dépolluée, avec un centre urbain.  Il est vrai que les Sfaxiens entendent parler du projet depuis plus de 20 ans et qu’à la longue, ils se sont demandé si «le projet du siècle» ne serait pas devenu «le projet d’un siècle». Mais, prenons un peu la mesure des travaux d’Hercule qu’il faudrait  réaliser, ne serait-ce que pour la première phase du projet dite phase de dépollution. 

    Selon le statut établi le 21 mai 1985, la Société a pour objet l’étude et l’aménagement des côtes Nord de la ville de Sfax, l’exécution des travaux nécessaires à leur mise en valeur en plus de la réalisation des programmes prévus.

      Le projet est en cours et progresse. Des quantités de sable apportées pour être déversées dans la mer et permettre enfin aux habitants de cette ville de retrouver la fameuse plage du centre ville. La plaine ainsi créée est le sable du fond la mer écartée.  Le projet Taparura prévoit la création d’une zone urbaine de 260 km carrés gagnée sur la mer. La promenade de 3 km environ longera la plage réhabilitée.

    Quittant la côte, nous nous dirigeons mes amis, ma fille Osnath et moi vers la gare où le train nous attend.

    En conclusion : j'ai aimé mon retour à Sfax. L'émotion de retrouver ma maison, mon quartier, le Centre Ville, mon Lycée, la côte Taparura et La Médina  m'ont compensé largement de mon trouble en voyant les changements survenus le long de la route de Tunis à Bab El Bhar. La Médina cœur de la ville nous a  ouvert ses bras et tant que ce cœur battra dans le sein de Sfax, l'amour, le courage et l'initiative y règneront.  Ce qui m'a touché le plus c'est l'amitié et l'hospitalité sfaxienne qui ont été exprimées par mes amis Moncef, Afifa, Mohamed  Aloulou, Mme. Aloulou et Picvillus : l'amitié et l'hospitalité personnalisées par mes compagnons. Au revoir, Sfax je te fais une grande accolade. 

     

    plagele trainamis

     

    Sfax

    A changé

    Moi aussi

    Elle a pris de l'embonpoint

    Mais je l'aime tout autant

    Me souvenant de l'amour

    Qu'elle m'a donné 

    Etant jeune dulcinée

     

     





     

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité