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Qu'il fait bon dans mon moulin
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3 mars 2016

Palais et Jardins 2 : Zahra

 

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Palais et Jardins , David Elmoznino, suite

 «  Z a h r a ,   l a    d e u x i è m e   m è r e  »

 

(l'autre mère)

Z a h r a

Le récit de Zahra est basé sur une histoire vraie. Il est né dans le but de vous rappeler combien les aides-ménagères musulmanes faisaient preuve de sagesse et de fidélité, d'amour et de dévouement au sein des foyers juifs marocains. Dans le but aussi de rendre hommage à toutes ces compagnes de route attentives et aimantes, discrètes et effacées. Tout enfant qui a grandi au Maroc n'a pas oublié sa Fatima, sa Khadija, ou la Zahra qui s'est occupé de lui, et qui a pris soin de sa personne durant toute son enfance.

Zahra est née au Maroc dans un petit village qui, bien que proche de Rabat, la capitale, semblait, d'une certaine manière, se situer à quelques années lumière de cette ville. Sa bourgade natale fort jolie, baignait dans une douce tranquillité avec ses maisons basses en pisé, entourées de verdure et bordées d'arbres plantés un peu partout, avec ses enfants bruyants jouant au ballon confectionné à partir de chiffons et d'élastiques. Les habitants étaient courtois, gentils, souriants, amènes... seulement, dans ce village il se passait quelque chose d'étrange et d'insolite, il y avait comme une menace qui pesait en permanence sur ses habitants, l'existence d'une espèce de rituel primitif qui se perpétuait de génération en génération et dont l'origine remontait fort loin dans le temps. Cette tradition rappelait les malédictions, châtiments et calamités dont le pharaon accablait les enfants d'Israël, lorsque ces derniers furent féconds, se multiplièrent, s'accrurent et devinrent de plus en plus puissants et nombreux. A cette époque, Le pharaon s'adressa aux sages-femmes des Hébreux, et leur ordonna :

 - « Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur les sièges, si c'est un garçon, faites-le mourir; si c'est une fille, laissez-la vivre, mais contrôler bien toute absence d'infirmité. Si elle survit à son sort, elle vivra, sinon c'est la mort ! ».

Mais les sages-femmes craignaient Dieu, et ne firent point ce que le roi d'Égypte avait décrété; elles laissèrent vivre tous les enfants. Et c'est ainsi que le pharaon, qui ne pouvait plus compter sur les  sages-femmes des Hébreux, s'adressa à tout son peuple, l'exhorta et lui donna cet ordre:

 - « Vous jetterez dans le fleuve tout garçon qui naîtra, et vous laisserez vivre toutes les filles ! ».

Tout ceci est écrit dans la Thora. Une telle pratique rappelant ce qui précède semblait perdurer, et persister dans ce village. Une manière d'appliquer le contrôle des  naissances, de restreindre le nombre des habitants. Seul un nouveau né fort et robuste avait une chance de survivre.

 Le jour vint où la jeune Zahra se maria, tomba enceinte, et donna naissance à un fils sain et vigoureux. Selon la tradition en vigueur dans le village et à laquelle tout un chacun devait se soumettre, le père emporta son enfant un soir en cachette, dans l'obscurité. Il pénétra dans un local spécifique, à l'écart, que l'on avait  préalablement chauffé au feu de bois placé au milieu de la pièce, et dans lequel régnait une grande chaleur. Après une nuit entière pendant laquelle le bois s'était lentement consumé, la chaleur accumulée était insupportable. A l'entrée de la fournaise se tenaient toutes les personnalités du village, prêtes à assister au bon déroulement du rituel. Chacun attendait de voir si le tendre bébé  allait surmonter l'épreuve du feu et s'il allait sortir vivant de cette chaleur infernale. Lorsque après un certain temps les édiles, inquiets de ne pas voir ressortir le père, pénétrèrent à leur tour dans la pièce, leurs yeux s'obscurcirent. Dans la chaleur étouffante, le père et l'enfant gisaient au milieu de la chambre, sans vie. Jamais, il n'était encore jamais arrivé que le père, qu'un adulte, succombât aux conditions extrêmes qui régnaient dans la pièce.  Horrifiés ils retirèrent les deux corps inertes, et emportèrent les deux malheureuses victimes, le père et son tendre bébé.

 Ce grand malheur plongea Zahra dans un désespoir profond, et dans une détresse infinie. Elle, la jeune mariée de fraîche date, qui venait de mettre au monde son premier nouveau-né, tendit dans son abattement les mains vers le ciel, s'adressant à Allah, lui demandant pourquoi ce coup du sort s'était abattu sur son mari chéri et sur son tendre bébé. Elle réalisait qu'il ne lui restait plus rien dans la vie, ses amours étaient des amours mortes. Elle sentait la forte pression de sa poitrine volumineuse sur son corsage, ses seins douloureux, gonflés, gorgés de lait l'oppressaient. Elle décida de quitter le village et de se rendre à pied à Rabat, la capitale. Après une semaine de marche exténuante elle se retrouva sur la place centrale de Rabat, épuisée, les habits usés, déchirés. Elle se tenait esseulée sur cette place, perdue au milieu de la foule, isolée, abandonnée. Les passants allaient et venaient à cet endroit sur des chaussées en terre battue, des chemins herbeux parsemés de brins de paille.

Des Arabes, des Chrétiens, des Berbères et des Espagnols attirés par le négoce, et les affaires florissantes dans les ports du Maroc. On ne lui prêta aucune attention, personne ne se soucia d'elle, personne ne lui tendit la main, ni assistance ni secours. Après un temps elle se leva et se dirigea, titubante vers le Mellah. Le quartier juif. Elle pénétra à travers le grand portail, s'assit sur une pierre se mit à pleurer et à se lamenter sur son sort, que pouvait-elle faire d'autre ? Et voici que le rabbin Monsonego vint à passer près d'elle, il l'a vit et et se sentit envahir d'une grande pitié pour la jeune femme :

- «  Que t'arrive-t-il O ma fille ? », lui demanda-t-il.

Elle lui raconta son histoire, les malheurs qui l'avaient frappés et qui avaient bouleversés toute sa vie. Elle lui décrivit son périple, la marche harassante avant d'arriver à la grande ville. Le rabbin l'a prit en pitié et la conduisit à la maison du fortuné Perez, où on lui donna des vêtements propres et frais, ainsi qu'une certaine somme d'argent. Plus tard, il la conduisit au siège de la communauté qui, par l'entremise de son comité, entretenait des relations soutenues avec la cour du roi. On réussit ainsi à lui trouver un emploi comme aide ménagère au palais royal. Arrivée là Zahra fut frappée de stupeur. Elle demeura interdite devant ces lieux d'une beauté inouïe et d'une opulence inimaginable. La demeure royale brillait de toutes ces richesses. De sa vie elle n'avait rien vu de tel, tant de splendeurs et de magnificences la laissait sans voix. Ce fut comme un baume sur son coeur, atténuant la brûlure de ses blessures, elle en ressentit l'effet bienfaisant après avoir pris quelque repos.

C'est alors qu'elle croisa le chemin d'une femme extraordinaire du nom de Dame Pinto, au palais, une veuve richissime dont le mari, que son âme repose en paix, avait dans le passé trouvé emploi au service du roi. C'était l'unique femme de la ville qui parlait encore le ladino1, l'unique personne à se souvenir encore de cette langue. Ce furent à l'origine les expulsés d'Espagne2 qui l'introduisirent au Maroc. Ils se répandirent dans tout le bassin méditerranéen et ils continuèrent de pratiquer cette langue dans les communautés d'accueil. La veuve, qui maîtrisait d'autres langues étrangères, était également au service du roi et de ses ministres, et exerçait ses qualités en tant que traductrice de la cour. En cette semaine marquée par la venue de Zahra au palais, un grand événement illumina la famille royale, la naissance de l'héritier du trône, et les festivités battaient leur plein.

Il se trouva que l'on cherchait de toute urgence une nourrice pour allaiter le futur roi. La mère du prince héritier était souffrante, elle sortait d'un accouchement long et difficile. L'attention de Dame Pinto fut immédiatement attirée par l'ample poitrine de Zahra et lui demanda de lui expliquer la chose. Cette dernière lui raconta le drame qui s'était abattu sur elle, les circonstances de la mort de son fils unique et de son époux bien aimé, entrecoupant son récit de sanglots déchirants. Aussitôt après avoir écouté son récit, Dame Pinto se rendit rapidement auprès de la reine convalescente et lui proposa les services de Zahra pour allaiter l'héritier du trône.

La reine accepta, soulagée. On s'occupa alors de la toilette de Zahra. On la conduisit vers une salle de bains somptueuse, où elle put approcher et toucher du doigt le luxe et le faste royal, elle prit un bain dans une baignoire en or, perdue dans un rêve que de toute sa vie elle n'aurait oser imaginer. On enduisit son corps d'onguents divers, d'essences rares et de parfums sensuels, avant de l'accompagner en tout honneur auprès du prince héritier. Elle fut à nouveau éblouie par la féerie du lieu. Et c'est au milieu de toutes ces richesses, dans cette ambiance de conte de fée, que le futur roi se jeta avec avidité sur cette source nourricière, sur le lait abondant, et téta à satiété, avec bonheur, le précieux liquide. Voila deux jours qu'il n'avait rien reçu de tel, se contentant de boire le thé qu'on lui servait. Zahra attira le tendre bébé sur son coeur, le cajola, le dorlota et l'aima comme son propre fils, ce fils qu'elle avait perdu il n'y a pas si longtemps...

Le roi était heureux. Il était très satisfait des qualités de la nouvelle nourrice, de son savoir-faire et de ses bienfaits sur la santé de son fils, qui lui était plus cher que tout l'or du monde. Sous l'effet bénéfique du lait sain de Zahra, le prince prenait du poids à vue d’œil, il était toujours souriant, très propre et bien soigné. Le petit héritier du trône voyait en Zahra la Mère pour toute chose, il l'aima profondément et l'appelait « Maman ». Le roi proposa à Zahra de se fixer à la demeure royale et d'y résider aussi longtemps qu'elle le désirait. Il se disposait à lui donner le statut de « Fille de la Maison », et lui octroyer la position privilégiée de « Proche de la Famille Royale », avec tous les avantages que cela sous-entendait. Mais Zahra avait d'autres projets. Elle attendait de voir l'enfant atteindre un certain âge, et laissa doucement venir le temps du sevrage. Désormais, le prince héritier n'avait plus besoin de son lait. Elle s'adressa alors au roi pour lui annoncer son intention de quitter le palais. Prières, cadeaux, promesses, rien n'y fit, sa décision, longuement mûrie était prise. Elle se retira, et quitta le palais.

Dans sa mémoire étaient encore présents la sagesse et l'érudition du Rabbin Avraham Monsongo, ses faits et gestes, sa bienveillance et ses attentions à son égard. Elle alla le retrouver pour lui exprimer toute sa gratitude, touchée encore et toujours par ses bonnes actions. Il lui expliqua avec une grande bonté:

   « Nous sommes tous responsables les uns des autres, particulièrement dans les moments difficiles de la vie. L'entraide est indispensable dans toute petite communauté, elle est considérée par tous ses membres comme une « règle de fer ». Ce fut un facteur vital et central, un facteur d'endurance et de force, assurant la survie des juifs tout au long de leur histoire ».

Malgré le fait que le Rabbin savait que Zahra n'était pas juive, il n'avait pas hésité à lui apporter son aide, et à se comporter envers elle comme envers une juive. Cette attitude, avait aux yeux de Zahra, une valeur inestimable, et lui apportait un plaisir indicible. Elle voyait en lui la personne altruiste, généreuse, sensible au sort des orphelins, des déshérités, attentif à la solitude de l'autre. Lui même n'avait pas d'enfants et ne pouvait laisser de descendance derrière lui.

Zahra était à la recherche d'un nouvel emploi. Elle se rendit à la belle demeure de Dame Pinto, où cette dernière l'accueillit avec beaucoup de gentillesse et de cordialité. La veuve, qui vivait seule, lui expliqua qu'elle n'avait pas besoin d'aide pour son ménage. Elle lui proposa de se rendre à Casablanca où habitait sa propre soeur, qui par contre, serait heureuse d'avoir appui, et assistance, plus qu'elle même, pour s'occuper de ses huit enfants. Le travail n'allait pas lui manquer. Zahra compris que la besogne serait ardue, mais elle acquiesça sans hésitation aucune. Elle voulait détourner son esprit des pensées et des images obsédantes qui la hantaient, l'assaillaient et la harcelaient. Elle espérait trouver l'oubli de tous ses malheurs dans ses nouvelles occupations, et repoussait toute idée de retour vers son village natal.

Son cerveau était sans cesse en ébullition, ses pensées tournaient autour de cette pratique absurde, inhumaine, ce legs incompréhensible, cette survivance d'un passé révolu qui lui a ravi tout son bonheur et qui l'a privée d'une vie normale au sein de sa famille naissante. Des questions fusaient dans sa tête, est-ce que les yeux des édiles se sont réellement obscurcis à la vue des deux corps, son mari et son tendre bébé, étendus à leurs pieds ? Ce n'était sûrement pas la première fois qu'ils voyaient de leurs yeux les nombreuses victimes de l'étrange rituel ?!! Et pourquoi le père était-il supposé pénétrer dans la pièce, pourquoi devait-il être présent et accompagner son fils dans l'enfer du Tophet3 ? Elle se disait que cette sorte de rite initiatique était sensé renforcer la résistance du nouveau-né, pas celle du père, et dans la sarabande de ses souvenirs, elle savait qu'elle n'aurait jamais la force nécessaire pour changer le cours de ces croyances et observances, fussent-elles horribles parmi les plus horribles.

A Casablanca, elle commença à  travailler chez Miriam, la soeur de madame Pinto, une personne très chaleureuse, au coeur généreux, qui dans sa bonté compris la souffrance et les tourments de Zahra. Elle s'efforça d'alléger son fardeau et évitait de la charger de travaux ménagers trop pénibles. Sa tâche était claire et bien définie, s'occuper des enfants. Zahra fut très sensible à toutes ses attentions et en retour, fit preuve d'une fidélité et d'un dévouement sans faille. Elle se donna au-delà de ce que l'on exigeait d'elle, tout en se refusant de vivre dans la commodité et le confort, ses souvenirs toujours présents, restaient encore vivaces, l'amertume plus forte. Dans son coeur, elle ressentit malgré tout un léger mieux, un adoucissement, et la certitude que les temps difficiles étaient révolus. Désormais devant elle s'ouvraient des horizons plus souriants, une nouvelle vie en compensation de la grande souffrance endurée.

Elle éleva les enfants de Miriam en les considérant comme ses propres enfants, et effectivement, dans l'entourage, nombreux furent ceux qui pensèrent que c'était les siens. La vie de tous les jours avec les huit enfants était loin d'être de tout repos. Ces derniers étaient vifs et enjoués, et ne lui facilitaient guère la tâche, elle s'efforçait malgré tout de faire pour le mieux, et de prendre les choses du bon côté. Elle refusait d'accepter tout salaire de la main de Miriam, toute rémunération bien méritée du reste, se contentant de solliciter de petites sommes pour acheter des cadeaux pour ses chers enfants qu'elle aimait et choyait comme étant les siens. Miriam se résigna à lui mettre de côté l'argent qui lui revenait. Zahra se plia de bon gré aux traditions juives et se mit en devoir de respecter le Shabbat au même titre que les autres membres de la famille. Elle travailla chez Miriam vingt ans durant.

Les années passèrent, Zahra prenant de l'âge, eut de graves problèmes de santé et tomba  malade. Elle était très malade. Dans la famille d'accueil, il y eut des conciliabules, des discussions, finalement il fut décidé d'écrire à son fils adoptif, le prince héritier qui entre temps, était monté sur le trône après la mort de son père, lui succédant. Il était devenu le souverain régnant sur tout le Maroc, le monarque incontesté. Il décida de faire venir Zahra au palais, c'est là qu'elle devait finir sa vie, là était sa maison.

Les scènes d'adieu furent déchirantes, la séparation douloureuse, éprouvante. Miriam la conduisit à Rabat où elles furent accueillies avec tous les égards royaux dans le palais majestueux. Le roi en personne vint à leur rencontre et les reçu à bras ouverts en présence des membres de la famille royale, qui prirent Zahra et Miriam dans leurs bras les enlaçant et les embrassant avec chaleur. Honneur suprême, le roi lui-même conduisit son ancienne nourrice vers une belle chambre qu'il avait spécialement réservé à son intention et qui l'attendait depuis vingt ans. Il expliqua à Miriam que la chambre, somptueuse,  avait été aménagée, entretenue, et qu'elle était toujours destinée à Zahra. Depuis le jour de son départ du palais, on l'avait gardée et conservée pour sa nourrice. Le roi multiplia ses attentions à son égard, il voulait qu'elle se sente bien dans son palais. Tous les jours il envoyait ses serviteurs au quartier juif lui chercher de la nourriture Kasher4.

 Miriam se donna un délai de deux semaines, avant de revenir retrouver ses enfants et son mari. Elle demeurerait auprès de la jeune femme le temps pour Zahra de s'acclimater et de s'adapter à sa nouvelle vie au palais. Mais les deux semaines passèrent et furent suivis d'autres semaines. Zahra ne la laissait pas partir. Elle voulait la garder auprès d'elle, et finalement les deux semaines se transformèrent en deux mois. Mais le jour vint où l'échéance ne pouvait plus être repoussée. Elle fut obligée de se séparer d'elle, de la famille royale, de tout ce bonheur et de toutes ses richesses. Elle remit entre les mains du roi l'ensemble des économies qu'elle avait religieusement épargnée ces vingt dernières années, le pactole de Zahra.

 Il ne se passa guère plus de trois mois avant que la famille juive ne reçu une longue lettre détaillée relatant sur plusieurs pages les derniers jours de la vie de Zahra. Avant de quitter ce monde, elle avait tenu à confier à son entourage combien elle avait aimé les enfants qu'elle avait élevé, tout en adressant louanges et bénédictions à la famille juive. Ils lurent et relurent la lettre d'un bout à l'autre, muets. Une tristesse infinie les submergea, un deuil lourd tomba sur la maison et sur ses enfants. Ils avaient l'impression qu'un des leurs les avait quitté, qu'une de leurs proches avait disparue, qu'un membre de la famille s'en était allé vers l'au-delà.

Quelques jours plus tard, dans cette même rue, où un des enfants de la maison juive jouait tristement, une calèche rutilante en grand équipage, tirée par deux magnifiques chevaux arabes de pure race, s'arrêta en grandes pompes à quelques mètres de la maison endeuillée. Ce n'était ni plus ni moins que sa Majesté le Roi en personne, qui en descendit, vêtu avec élégance et sobriété, très à l'aise dans ses habits européens. Le roi s'adressa à l'enfant pour lui demander de lui indiquer où habitait la famille qu'il cherchait, et se laissa guider par l'enfant qui le conduisit directement dans sa maison. Le roi ne voulu ni boire ni manger chez la famille. Il prit place sur une chaise toute simple, se joignant à toutes les personnes présentes. Il était venu prendre part au deuil de la famille, partager sa peine et sa tristesse, car il savait combien Zahra, sa nourrice, avait aimée tous les personnes ici présentes, et avait put mesurer toute la considération et l'affection qu'elle leur portait. Zahra la musulmane, la simple, modèle de bonté et de sincérité, qui avait quitté son village natal, son passé et ses origines, elle qui ne savait ni lire ni écrire, elle qui était devenue, pour lui et pour les enfants de la famille juive, une deuxième mère. Que son souvenir soit béni à jamais.

Glossaire :

 1Ladinoce mot est empoyé dans le récit pour le judéo-espagnol (djudezmo), langue parlée par les juifs séfarades, descendant des juifs expulsés d'Espagne en 1492. Deux grands ensembles se détachent : le judéo-espagnol de l'Ex-Empire ottoman et la haketiya du nord du Maroc. Le judéo-espagnol est très proche du castillan du XVe siècle, mais son vocabulaire a été influencé par des emprunts à l'hébreu, puis par les langues avec lesquelles il s'est trouvé en contact après le départ d'Espagne. Le ladino est une langue au vocabulaire castillan mais à la syntaxe hébraïque, inventée pour traduire les textes sacrés hébreux à l'intention des locuteurs de judéo-espagnol.

 2Expulsion d'Espagne,  les Juifs furent sommés de quitter l'Espagne à la suite du « Décret d'Alhambra » du  31 mars 1492 issu des mains des Rois Catholiques d'Espagne — Isabelle de Castille, et Ferdinand II d'Aragon —, et connu pour avoir été à l'origine de l'expulsion des Juifs d'Espagne. Il faisait suite au triomphe des espagnols sur les Maures, et à la chute de Grenade. Le décret ordonnait la conversion ou le départ de tous les Juifs d'Espagne, ses territoires et possessions avant le 31 juillet 1492, et aboutit à leur diaspora dans le Maghreb, l'Europe méridionale et le Moyen Orient. (Étant une "fervente" Chrétienne, Isabelle demanda au Pape Sixte IV, en 1478, la permission d'instituer une Inquisition pour extirper l'hérésie du monde chrétien).

  3 Tophet,  lieu cité à plusieurs reprises dans la Bible. Les Cananéens y sacrifiaient, dans la période de Ahab et de Manasseh, des enfants au dieu Moloch en les brûlant vifs. Situé dans la vallée de la Géhenne, près de Jérusalem, l'endroit devint, sous le règne du roi Jonas, celui où l'on incinérait les carcasses d'animaux et les cadavres des condamnés dans des feux brûlant en permanence. Par extension, la Génenne est actuellement considérée comme synonyme d'Enfer. (II Rois XXIII; 10, Jérémie VII; 31-32,  Jérémie XIX; 6,...). 

 4 Kasher, voir note « 2 », récit « Le Veau Parfumé ».

 

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Palais et Jardins

 

David Elmoznino est né à Mogador-Essuira en 1944, il fit son Alya en Israêl à l'âge de dix ans. Dans ces récits, il évoque son enfance au Maroc et son Alya par petites tranches délicates.

 

Pour toute commande:

 

Elmoznino David 483 / 20 Roded Eilat (Israel) Tél: +972 8 637 54 55

 

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