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Qu'il fait bon dans mon moulin
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7 mars 2016

La nuit et ses frayeurs

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La nuit et ses frayeurs

En bref

Vous souvenez vous d’une grande peur, d’une frayeur qui vous a laissés angoissés, crispés, prêts à jouer le tout pour le tout afin de vous débarrasser de la cause de cet effroi ?

 Moi j’ai connu la peur de ma vie à l’âge de quinze ans. J’étais en colonie de vacances à Aïn-Draham. Le directeur du camp, Meyer m’a envoyé à Tunis :

 — Accompagne ce jeune champion sfaxien à la gare de Tunis et mets le dans le train en direction de Sfax. Il a langui sa maman.

 — Ce sera fait, dès notre arrivée à la capitale.

 — Achète-nous  un appareil photographique. Quelque chose de super classe.

 — Il faudrait du fric pour ce genre d’achat.  

 — Va chez Dan à l’Agence Juive. Demande-lui de choisir l’appareil et de le payer. Je le rembourserai. Demande-lui aussi de nous louer deux tentes, pour dix personnes chacune. Ne reviens pas avant que tout soit arrangé.

Le grand chef n’a pas prononcé le rituel « Hugh j’ai dit ! » mais il  savait que je remplirais ses demandes à la lettre. J’avais mené  ma mission à terme deux jours après, le vendredi vers midi et devais me rendre au campement le lendemain en prenant le bus à 5 heures trente à l’aube. Il n’y avait pas d’autre moyen de locomotion  avant.

Je n’avais pas de montre et c’était embêtant. Je dormais sur un lit de camp dans le local du mouvement Dror tout près du marché, du coté de l’avenue de Paris. Je me suis mis sur la couche m’endormis.

Après une heure de sommeil, je me suis réveillé, levé, sorti, relevant le rideau de fer roulant avec un bruit fracassant, je l’ai refermé et tourné la clef dans le cadenas. Je devais me rendre compte de l’heure qu’il était. Laissant la clef sur le rebord de la fenêtre à l’intention de Nadine, je partis.  

Arrivé au marché, j’ai vu le café encore ouvert, mais je ne savais pas s’il n’avait pas encore fermé ou s’il avait déjà ouvert. Donc l’heure devait être entre minuit et cinq heures. Pour en avoir le cœur net j’ai fait une petite marche jusqu’à l’Avenue de Paris, là j’ai vu l’heure à la devanture d’un horloger : il était exactement minuit trente. Retourné au local Je me suis mis au lit m’endormis.

J’ai dormi encore un certain temps et je me suis réveillé de nouveau. Je me suis levé, sorti, relevant le rideau de fer roulant…. 

Au marché le café était fermé, donc il n’était pas encore cinq heures. Pour en avoir le cœur net et savoir l’heure exacte je devais...

 Mais voilà qu’on m’a interpellé. Ce sont deux gars de vingt ans, l’un des deux était un véritable géant.

 — Tu as un peu d’argent sur toi ? Nous avons faim, me dit le moins grand des deux.

 — Non !

 En réalité j’avais un peu de fric, mais je le gardais pour l’autobus.

 — Emmène nous chez toi, Nous trouverons bien quelque chose à manger. Mon ami est sorti cet après-midi de prison et à part un melon crevé nous n’avons rien mis dans le ventre.

 — Je n’habite pas Tunis, je suis chez des amis, fut ma réponse.

 — Bon ! Allons chez eux ! m’ordonna le géant en m’empoignant par le col de ma chemise.

 J’avais peur, mes jambes tremblaient, mon ventre était crispé, je sentais mes fesses se serrer mais ma cervelle travaillait rapidement. J'ai répondu pour gagner du temps :

 — Pas question de les déranger !

 — C’est un ordre ! s’exclama l’impatient en me poussant.

 Faisant mine d’accepter, j’ai fait quelques pas en avant et je me suis retourné d’un seul coup, poussant violemment Le Goliath qui perdit l’équilibre, vu sa grande taille. J’ai décoché un coup de pied dans le genou du second et j’ai pris la fuite courant à toute vitesse, ayant la peur au cul. J’entendais les pas de ces deux crétins me poursuivant, mais le son se faisait de plus en plus faible.

 Je n’ai pas oublié dans ma retraite de jeter un coup d’œil à la façade de l’horloger et de là j’ai appris qu’il était 2 heures et demi. Si la Grande Synagogue de l’Avenue de Paris serait ouverte pour la lecture des Sélihot, j’y entrerais. Mais, mince, elle était fermée pour la bonne raison qu'on  ne lit pas les  Sélihot le samedi.

 A un certain moment dans ma fuite, j’ai tourné à gauche, puis à droite, m’engouffrant dans un immeuble en  fermant la porte derrière moi. J’ai escaladé quelques marches, prêt à frapper à une porte s’il le fallait et solliciter du secours...

 J’ai entendu les pas des deux coureurs, moins rapides que moi,  j’ai attendu encore un quart d’heure et puis je me rendis au local du Dror afin de dormir encore un coup.

 Après mon troisième réveil j’ai quitté mon «  auberge », laissant la clef dans un endroit convenu. Nadine, une membre du mouvement Dror devait venir la prendre au courant de la  journée.

 Je suis arrivé à la station des bus vers 4 heures trente et je m’y suis installé. Un homme de petite taille vint s’asseoir près de moi.

 — Je suis Yudah B. de Pic Ville, Sfax, se présentât-il.

 — Enchanté ! Je suis Camus Bouhnik de Moulinville.

 — Camus ? Mon frère se nomme Camus.

 — Oui, je le connais. Il tient un commerce dans la Rue du Bey. Je connais ta famille et ton fils. J’ai été chez vous faire une quête pour le K.K.L. Je te dirais plus : Vous êtes les oncles de mon père Clément.

 — Ah  ! Oui je vois la ressemblance. Je vais de ce pas me rendre à Aïn-Draham voir mon fils.

 — Alors nous monterons le même bus et je t’accompagnerai jusqu’à la tente de ton fils qui est dans le camp du Mouvement de Jeunesse Anoar Atsioni. C’est à cinq cent mètres de notre campement.

  Le dit Youdah B. a remercié Le Ciel cent fois de m’avoir rencontré, une fois pour l’avoir dirigé, une seconde pour lui avoir redonné de l’assurance, une troisième pour l’avoir réveillé sitôt arrivés, une quatrième pour l’avoir conduit dans la montagne dont les sentiers me sont connus, un cinquième parce que je lui ai promis de ne dire à personne à Sfax qu’il a entrepris ce voyage un samedi. Et une quantité de fois encore pour la simple raison d’après lui, que ceux qui me rencontreront auront un Mazel Tov.

 Moi j’ai fait mes grâces à D-ieu, pour le simple fait que je n’étais plus seul, la nuit et ses frayeurs était passée.

 A paru dans Tunecity : La peur de ma vie 

 

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