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Qu'il fait bon dans mon moulin
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6 mai 2020

Alfred le coiffeur décharge un bruit incongru

coiffeur

Le pet du coiffeur : besset el hejem

Il est l’as de la coiffure, hommes femmes et enfants, Alfred ! Il n’y a pas deux comme lui pour les coiffures de mode, pour arranger les crans à la Elvis Presley ! Mes amis à la mode se font par ses soins… Et vous vous savez tous comme ils ont de l’allure avec leurs ses cheveux noirs et bouclés, les gars des années cinquante.

Bref, tous les messieurs bien de la ville viennent se faire une beauté chez lui ! Des Israelites, des Chrétiens et des Musulmans, tous les Elégants avec un grand E font partie de son salon en vogue. Ils viennent se faire dorloter par le maitre coiffeur…  Le maire de la ville lui même ne se prive  pas de ce petit plaisir, de se laisser rajeunir d’un cran…

Or, voila qu’un jour,  alors qu’il y avait bon monde, le maitre coiffeur n’est  pas maitre d’un gaz qui se dégage avec un grand bruit de son arrière-train, un vrai coup de tonnerre !...

«  Cela sent la vache enragée s’écrie  l’un des hôtes. »

 Alfred étant mal à l’aise et intimidé, car il est aussi aimable et poli que virtuose,  abandonne ses ciseaux et ses shampooings, recule à petits pas, sort de son salon de coiffure et prend la poudre d’escampette, honteux de son incongruité. En Tunisie le pet n’étant pas toléré en public. C’est même  une offense. Personne ne le rattrapé dans son escapade, cette  course effrénée, personne ne l’a jamais revu, pendant des années.

Mais les Sfaxiens n’oublient jamais : ils ont une si bonne mémoire, ils se rappellent toujours les petits détails, les moindres choses qui n’ont aucune consistance, qui ne se voient point, qui n’ont aucune couleur, ainsi on  parle de ce pet majestueux, innocent pet de grand coiffeur, pendant des décennies.  C’est d’ailleurs ce qui nous rattache nous les Sfaxiens, on parle de tout et de rien, une harissa nous donne le délire, et un passage à  niveau nous rappelle un tas de souvenirs.

Mais je reviens à notre coiffeur  qui parti à l’au-delà  ne sait pas que son pet est ancré dans les mémoires, comme si une main mystérieuse aurait cliqué « Valider » dans  souvenir des Sfaxiens, mémorisé bien mieux que ses coiffures.  Par exemple, on compte les années à partir de ce moment où Alfred s’est dégagé par mégarde.

Alfred erre dans le monde, désespéré de sa carrière perdue, il arrive au Canada, se fait engager comme bucheron, travaille  comme un damné. Il fait tant et si bien qu’il devient très vite chef d’équipe et puis responsable de chantier. Cinq ans passent et il se met  à son compte. Trente années après,  Alfred fait fortune, il est temps de revnir au pays,

Alfred plein d’argent, décide de revenir à Sfax, se courber devant la tombe de ses parents qui sont décédés pendant son absence, et aussi pour concevoir une possibilité de placer un capital dans une bonne affaire.

Ayant à peine atterri à l’aéroport de l’Aouina, il prend  un taxi qui l’emmène  au centre de la ville. Il décide de descendre à l’hôtel Mabrouk Palace. Après une bonne douche, rasé de près et habillé à la zazou, il se rend à pied au Colibri prendre un apéritif.

 La place de la Municipalité lui arrache un cri de contentement. N’a-t-il pas rêvé de cet instant des années durent ? Il traverse la rue, et opte en fin de compte pour un café qu’il prendrait volontiers à La Renaissance. « Je renais pensa-t-il,  je revis. Ah ! Je vous remercie Seigneur.  »

Alfred fait le tour de la ville pendant trois jours, rentre au café Nour, se rend chez les pâtissiers, se remplit le ventre de toutes ces douceurs qui lui manquaient tant, voit un film au Colisée, va à la Médina, la vielle ville entourée de son enceinte, visite le marché  aux poissons, sent un frisson lui parcourir le dos, à la vue du port de pêche,  le petit chenal. Il décide de repousser son parcours touristique à plus tard.

 Le moment étant arrivé d’aller pleurer ses parents. Le remord le tortille de les avoir privés de sa présence, de ne pas avoir participe à leurs funérailles. La fête du retour sera  ajournée.

Plongé dans son deuil retardé, aux pieds des tombes jumelles de ses parents, il aperçoit   une femme âgée pleurant un proche. Des fleurs fraiches posées sur le marbre du tombeau contrastaient avec cet ancien monument.

- Pourquoi vous désolez-vous tant, demande-t-il à la bonne dame ? Votre deuil ne semble pas récent, il faudrait réagir !

- Mais c’est mon fils, ne vous en déplaise !

- Est-il décédé depuis longtemps ? demande Alfred.

- Vingt neuf ans Monsieur. Il est mort juste un an après le pet majestueux d’Alfred le coiffeur qui a disparu depuis.

Alfred ne pose plus de questions et ne demande pas son reste. Dans cette ville, on n’oublie jamais rien. Ceci dit, il disparait de nouveau. Le souvenir de son pet le poursuit comme l'œil de Caïn.

Mes amis, l’histoire d’Alfred est racontée à Sfax dans des versions différentes, je ne sais pas laquelle est l’originale. Peut-être que notre coiffeur ne se nommait pas Alfred ? Peut-être n’était-il pas parti pour le Canada ? Tout est possible. Si mes lecteurs en savent plus que moi, je les invite à exposer leurs versions. Pour ma part, j’ai un peu arrangé l’anecdote pour pouvoir la raconter, ne connaissant pas tous les détails.

Le nouveau calendrier de Sfax est établi depuis et après le pet du coiffeur…

 

coiffure

 

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