Qu'il fait bon dans nôtre moulin 8 (série à suivre) : L'immeuble Kria
Images de Sfax : l'immeuble Kria
Grand-père Chloumou et Grand-mère Zmarda déménagèrent à Gabès, suivant tonton Miro et nous nous installâmes dans la maison de nos aïeux avec l'accord commun de toute la famille, grands-parents, oncles et tantes.
Enfance heureuse et sans souci avant l'invasion allemande. Jeux d'enfants dans la plaine où devait être construit plus tard l'immeuble Kria.
Car l'édifice Kria n’existait pas toujours.
La maison que nous habitions se situait en face de l’immeuble Kria, juste dans l’angle que formaient deux lignes droites de bâtiments.
L’édifice Kria, je l'ai dit, n’existait pas encore, je me souviens même des travaux de construction qui ont été rapides, par rapport à l’époque ou ils ont été exécutés.
* A l’ère antérieure, se trouvait une grande place vacante, qui se remplissait d’eau, après les averses, comme un étang. Sfax ayant un climat modéré, ultérieurement à la pluie, venait le beau temps et avec lui le soleil. La grande mare dont l’eau se chauffait sous les rayons bienfaisants, attirait tous les gosses du quartier qui y venaient prendre un bain. Je faisais comme les autres, laissant mes habits de coté, accrochés à un cactus de la tabia (dune de sable) et j’entrais dans l’eau en caleçon.
Un jour maman m’appela : " Amir !!!"
Je me suis habillé en vitesse et j’ai couru en direction de la maison. Freinant ma course aux abords de notre demeure, j’ai glissé sur la boue et je suis tombé sur le dos en plein dans une petite flaque.
Maman s’empressa de me soulever, de me laver et de m’essuyer, en disant :
— Ouldi, ma nétèchouach alek ! D. me préserve.
En vérité, j’étais content d’avoir chuté. La nappe et la vase qui m’ont humecté, étaient une excuse valable qui m’a dispensé d’expliquer à maman pourquoi j’étais humide.
* Flila était une amie de la famille Kria et comme elle était veuve et dépourvue de possibilités financières, elle a été nommée, grâce à la bonté des Kria, concierge du bâtiment. Elle occupait une maisonnette au dernier plan, tout près de la terrasse.
Un jour j’étai poursuivi par un voyou, qui voulait chiper ma toupie neuve. J’ai couru m’abriter dans l’entrée de Flila, grimpant les étages, j’ai demandé assistance à la gentille concierge. Elle m’a montré la toit du doigt et a refermé la porte à clef après que je m’y suis caché. De là, j’ai sauté un petit mur et me trouvant sur un toit voisin je me suis introduit dans les escaliers menant à un étage et descendu au rais-de-chaussé, je suis sorti comme si rien n’était. Bien sur pour les vauriens, un garçonnet ressemble à une autre, et ainsi je suis parti paisiblement, me mêlant à la foule.
* Le bar Cyrnos était situé juste en face du cabinet de Kria. On s’asseyait Gago et moi sur le parterre cimenté près du café et on jouait au carré loup. Sur une des marches du bureau qui n’était jamais ouvert - peut être avait il une autre entrée ?-, était un jour assise une fille. Gago s’arrêtant de jouer me dit :
— Regarde ! Comme c’est beau ! Aïe ! Les beaux charmes...
— Ah ! Non ! C’est péché de regarder les filles qui ont les jambes découvertes par mégarde. J’ai gagné la partie, Gago.
Et oui, notre éducation était stricte, il ne fallait pas z’yeuter et nous ne le faisions pas.
• Autour du bâtiment Kria nous organisions des courses à pied, un vrai tournoi. Deux enfants partaient au signal donné, dans des sens opposés et ils faisaient en courant le tour de l’immeuble. Au milieu de la route ils se croisaient et à la fin de la course, l’un des deux était sélectionné pour avoir devancé son concurrent de quelques mètres. On arrivait ainsi au quart de finale, à la demi finale et enfin on couronnait le champion du jour, toujours le même d’un bandeau de papier. Les beaux temps ne devaient pas durer longtemps, déjà la guerre grondait dans les environs.